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Les biocarburants mis en péril par la volonté baissière sur les taux d’incorporation

Le Parlement européen vient d’émettre l’avis de limiter à 6 % le taux d’incorporation des biocarburants d’origine agricole dans les essences à l’horizon 2020. Prévu initialement à 10 %, puis demandé à 5 % par le député européen Corinne Lepage, ce taux ainsi limité mettrait directement en danger toute la filière biocarburants. Mais il reste des étapes.

En effet, ce n’est qu’un avis qu’a donné ce jour le Parlement européen. Et il devra en donner un autre, révisé, l’année prochaine, après les prochaines élections européennes. Entre-temps, le Conseil de l’Europe, c’est-à-dire les Etats de l’Europe, doit également se prononcer, et on lui prête aujourd’hui la volonté de préférer un taux à 7 %.

Il n’empêche. Cette préférence actuelle du Parlement européen marque bien une volonté baissière. L’argument avancé est le changement de destination des sols, nous perdrions ainsi en Europe des terres alimentaires au profit des biocarburants. C’est faire peu de cas de la problématique dans son ensemble. En appauvrissant la filière biocarburant de fabrication européenne, on introduit de fait un fort taux d’importations, d’où des risques lors des transports que l’on peut apparentés aux marées noires du pétrole. Alors qu’à l’origine, il s’agissait là de l’un des arguments en faveur des biocarburants. Par ailleurs, et le site Euractiv l’a rappelé récemment (lien en fin d’article), la présence des biocarburants permet de maintenir les prix agricoles, y compris pour l’alimentaire, et donc de préserver une activité agricole dans son ensemble.

200 000 emplois ruraux en jeu

De son côté, le Copa-Cogeca, fédération syndicale européenne représentant les producteurs et les coopératives, a communiqué pour plaider au maintien d’un taux supérieur (et largement) aux 6 % choisis par les députés européens : « Ces 6 % menaceraient l’avenir de l’industrie des biocarburants de l’UE et ne tiennent pas compte de la réalité de la production de biocarburants, ni de la stabilité du marché, ou de la croissance verte. Ils menacent également l’approvisionnement en aliments pour animaux.« 

Le secrétaire général du Copa-Cogeca, Pekka Pesonen, va plus loin : « Les agriculteurs et l’industrie ont investi d’énormes sommes d’ argent dans le secteur après que les institutions de l’UE ont convenu en 2006 d’assurer que 10 % des carburants pour les transports proviendront de sources d’énergies renouvelables d’ici à 2020. Un demi-tour dans leur approche pour réduire cette limite à 6 % est totalement inacceptable. La décision met en péril l’énergie de l’UE et les objectifs par rapport au changement climatique, l’approvisionnement en aliments pour animaux et 200 000 emplois, principalement dans les zones rurales. Les co-produits de la production de biocarburants conventionnels, tels que le tourteau de colza, la pulpe de betteraves et de drêches sèches de distillerie, jouent un rôle important sur ​​le marché des protéines d’alimentation, et dans la chaîne alimentaire de l’UE, au moment où l’UE est confrontée à une pénurie croissante. La production de biocarburants conventionnels est un moyen efficace pour rééquilibrer le déficit en protéines végétales de l’Union européenne, accroître la stabilité des marchés des matières premières et des prix pour les consommateurs et les agriculteurs, et faire plein usage de la capacité de production de l’UE pour stimuler la croissance verte dans les zones rurales.«  Il conclut par un objectif chiffré : « Pour ces raisons, la part des biocarburants à partir de cultures arables doit être porté à au moins 8 %, et tous les déchets et les résidus doivent être inclus dans la cible de biocarburants avancés. »

Clairement, le lobbying n’est pas terminé sur ce sujet si important, qui ne peut être considéré comme secondaire ou une monnaie d’échange pour autre chose. Nous aurons donc, de fait l’occasion de vous en reparler.

En savoir plus : http://www.euractiv.fr/energie/la-politique-sur-les-biocarburan-news-530316 (un article d’Euractiv qui rappelle que la seule présence des biocarburants dope la prix agricoles, y compris alimentaires) ; https://wikiagri.fr/articles/la-filiere-biocarburants-en-europe-face-a-un-risque-majeur/667 (notre précédent article sur le sujet) ; http://www.copa-cogeca.eu/Crops.aspx (vous trouverez sur ce lien, en bas, du Copa-Cogeca toute une argumentation).

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