cul noir en plein air

Le porc cul noir retrouve des couleurs

« Qui va lentement va sûrement » pourrait être la devise de ces irrésistibles porcs culs noirs du Limousin. Leur croissance lente au grand air garantit une viande de qualité recherchée par les plus prestigieux bouchers. D’ailleurs, la coopérative « L’Ecusson Noir » ne peut pas répondre à la demande, et les prix se sont envolés lors de la première vente aux enchères.

On peut dire que le porc cul noir du Limousin revient de loin ! Ce charmant petit cochon aux origines ibériques fait partie du paysage limousin depuis le XVIe siècle. Mais en 1973, le ministère de l’Agriculture privilégie les races plus productives et exige l’abattage du dernier verrat cul noir. L’éleveur s’insurge contre la décision… et cache l’animal chez un ami ! Pendant huit ans, des saillies clandestines ont permis de conserver quelques animaux et ont sauvé les fesses du porc cul noir. Dans les années 1980, il ne restait qu’une cinquantaine de truies dans la région de Saint-Yrieix (Haute-Vienne).

L’institut technique du porc engage alors des mesures de sauvegardes et un syndicat des éleveurs de porcs cul noir voit le jour en 1993. Pour éviter la consanguinité, toutes les lignées sont scrupuleusement conservées. L’an passé, les éleveurs ont ainsi décongelé les semences de trois verrats datant de 1988 ! Cependant, la race est loin d’être sauvée, réunissant seulement une trentaine d’irréductibles éleveurs et 170 truies. Mais le porc cul noir bénéficie depuis deux ans d’un nouvel engouement et de réelles perspectives économiques.

La coopérative « l’Ecusson Noir »

En avril 2014, huit éleveurs ont inauguré une coopérative, joliment appelée « l’Ecusson Noir », avec le soutien d’un restaurateur limousin : « Chaque membre est passé de trois à vingt truies. La coopérative a ajouté une perspective économique à la démarche de protection de la race », souligne Patrick Royer, éleveur à La Roche l’Abeille en Haute-Vienne.

En un an, le nombre de naissances a doublé et la coopérative a vendu 200 porcs. L’objectif est d’atteindre 800 porcs d’ici 2017, mais pour l’instant, la demande dépasse largement l’offre. Cette viande d’exception est diffusée principalement auprès de boucheries traditionnelles, notamment des enseignes parisiennes prestigieuses, comme la boucherie Lévèque ou Thierry Didier De Fraysse. Mais le porc cul noir intéresse aussi les grandes et moyennes surfaces régionales : « On livre même en Bretagne… C’est quand même un comble ! », s’amuse Patrick Royer.

La coopérative conserve  les jambons, revendus dans quelques boucheries limousines ou lors de manifestations. L’activité est telle qu’un salarié gère les commandes depuis 2015. 

Un cahier des charges pour fixer la race

Pour augmenter la qualité de la viande, le groupement qualité porc cul noir Limousin (cette association regroupe depuis 2011 des éleveurs, des distributeurs et des restaurateurs) a défini un cahier des charges et une aire géographique : elle couvre le Limousin, la Charente limousine et une partie de la Dordogne. Les porcs sont élevés en plein air pendant quatorze mois minimum, nourris de préférence avec les aliments de la ferme. Les déparasitages et les vermifuges sont également exigés, ainsi que des parcours ombragés. « En général, les porcs sont élevés dans des bois de châtaigniers. Ils adorent les châtaignes et elles participent à la qualité de la viande », remarque Patrick Royer.

Deux catégories sont proposées aux éleveurs : les porcs légers de 120 à 140 kilos (poids équivalent carcasse), ou les porcs lourds destinés aux boucheries qui peuvent atteindre 200 kilos après 18 à 20 mois d’élevage. « Nous avons homogénéisé nos pratiques d’engraissement pour proposer des carcasses plus régulières », explique Patrick Royer. Le persillé est bien entendu incomparable à celui du porc blanc, et la durée d’élevage est récompensée par des prix moyens bien supérieurs : jusqu’à 3,80 euros le kilo contre 1,20 euros pour les porcs blancs. « Bien sûr, pour se lancer, il faut de la surface, du temps et la certitude de vendre sa production. On voudrait faire une étude pour calculer plus précisément la productivité, les coûts de productions, les marges… afin de motiver des jeunes éleveurs à s’installer. En gros, il faut produire chaque année dix porcs sevrés par truie pour garantir une rentabilité », estime Patrick Royer.

Une jeune femme de 25 ans, Ségolène Gelé, a relevé ce pari. Originaire de la Drôme, elle s’est installée à Montrol-Sénard (Haute-Vienne) exclusivement en porc cul noir, avec un atelier d’engraissement. Cerise sur le gâteau : elle vient de remporter le premier prix en truie suitée avec Houpa lors de son premier concours général agricole !

Une communication efficace

Eminemment sympathique, le porc cul noir fait le buzz à chaque salon de l’agriculture. La truie Galilée de Nicolas Coudert (président du syndicat des porcs cul noir) était même l’une des sept mascottes de l’affiche du salon en 2013. Cette année, un nouveau cap a été franchi : le Sia accueillait la première vente aux enchères de porc cul noir devant un public conquis. Quatre cochons étaient présentés, dont trois ont été vendus à plus de 2000 euros, soit quatre fois le cours habituel. « La vente a été bien relayée par les médias. Depuis, nous sommes contactés tous les jours par des acheteurs, mais nous n’avons pas assez de production… On ne peut pas mettre sur le marché des porcs cul noir du jour au lendemain », s’excuse Patrick Royer.

Enfin, pour promouvoir la race dans son berceau, un concours national aura lieu le 26 juillet sur l’île de Vassivière à Beaumont-du-Lac (Haute-Vienne). Trois truies sont élevées sur l’île, haut lieu touristique du Limousin. A chaque fois, la manifestation remporte un vif succès populaire.

Gaec Royer, ambassadeur de la race

Vainqueur du prix d’ensemble lors du dernier concours général agricole, le Gaec Royer élève 80 mères limousines, 350 mères brebis, 140 porcs blancs et 18 truies cul noir sur 150 ha. « Nous sommes naisseurs-engraisseurs. On vend une soixantaine de porcelets à des engraisseurs, au poids de 25 kg. Les autres culs noirs sont engraissés en plein air, avec des céréales et des compléments. Nous avons une trentaine d’hectares de céréales sur l’exploitation », explique Patrick Royer, installé avec sa femme et son frère.

Au départ, il avait acheté une truie par plaisir, avant même le programme de sauvegarde. Mais depuis deux ans, l’éleveur a professionnalisé son élevage de porcs cul noir : il programme deux portées par an, en groupant les femelles par quatre. « On a des naissances tous les deux mois, soit 14 porcelets par truie et par an. On les garde huit jours au chaud », explique-t-il. La maternité est parfaitement équipée, avec des lampes, une bonne isolation, des boxes spatiaux et aérés… Un second bâtiment est en construction, offrant des ouvertures sur des parcours extérieurs.

Petit conseil de Patrick Royer : « Il faut vraiment rationner les animaux. Même à la fin de l’engraissement, on limite à deux kilos de céréales pour éviter le surplus de graisse. C’est assez technique… Mais ces cochons sont super mignons. On les promène comme on veut. Ils sont très affectueux ».

 

En savoir plus : www.ifip.asso.fr (site de l’institut technique du porc) ; https://www.facebook.com/pages/LÉcusson-Noir/742169749152993 (page facebook de l’Ecusson Noir).

Photos ci-dessous : les porcs cul noir élevés en plein air, et Patrcik Royer, éleveur.

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