beurre

Le beurre et l’argent du beurre

 

« Il me faudrait un gros paquet d’beurre car j’aime bien le beuure Je veux du beurre beurre beurre, Je veux du beurre ! Car sans beurre et sans reprooche, la vie de tous les jours serait vachement trop moche Car j’aime bien le beurre beurre beurre. Moi je veux du beurre ! » Chantait à tue-tête « Au Bonheur des Dames ».

Moi aussi, j’aime le beurre et parfois, j’ai la main lourde… On n’est pas breton(ne) pour rien ! Des crêpes au beurre, du gâteau breton, du kouign aman… Sans compter le pain beurre (demi-sel) parfois trempé dans le café !

Les paysans bretons ne faisaient pas de fromage, (contrairement à nos amis normands) mais du beurre. Le beurre, c’est ce que savent faire les paysans bretons depuis toujours ! Ou presque !

Qu’est-ce qu’on ferait sans beurre ici ?

Et pour faire du bon beurre, il faut de la bonne crème ; et pour faire de la bonne crème, il faut du bon lait ; et pour faire du bon lait, il faut… des vaches qui broutent de la bonne herbe ! L’herbe naturelle, agrémentée de diverses graminées et de légumineuses, comme le trèfle, fait le meilleur lait !

Le lait a des couleurs et des goûts différents selon qu’il provienne de vaches à l’herbe ou de vaches alimentées à l’ensilage. Il a même des goûts différents selon les champs, selon les saisons…

Avez-vous goûté du bon beurre cru fermier avec ses petits cristaux de sel qui craquent sous la dent ? Rien de comparable, même le meilleur beurre industriel ne lui arrive pas à la cheville !

Et voilà qu’en l’an 2017, en cette fin d’année, à l’approche des fêtes, on manque de beurre ! Tout le monde veut du bon beurre. Les nutritionnistes ne se tarrissent pas d’éloge pour remettre le beurre sur un piédestal ! Meilleur que les huiles végétales disent-ils !

On n’en croit pas nos oreilles !

Les prix flambent, les fabriquants de gâteaux et de viennoiseries au beurre grincent des dents. On en viendrait presque à condamner les paysans de fermer les robinets de lait très égoïstement !

J’ai envie de fredonner, en parodiant la chanson de Michel Sardou :  » Vaches des années 80, vaches jusqu’au bout des seins …. » Ben, oui, les vaches des années 80, il leur fallait parfois un soutien-gorge ! Parce que leur mamelle lourde, énorme, gonflée de lait touchait presque terre ! Et le lait, à l’époque, les paysans pouvaient le produire en abondance, encouragés qu’ils étaient par des primes au volume.

Puis, en 1984, les quotas sont arrivés au grand désarroi des producteurs qui se sont mis, parfois, à stocker dans leurs congélateurs du beurre fabriqué à la ferme, pour limiter la production.

Malgré tout, la production de lait était trop forte, et celle du beurre aussi qui remplissait les frigos européens.

En 1987, les quotas de matière grasse ont été instaurés pour limiter la surproduction. Il fallait que les bonnes producrices produisent moins, et pour produire moins, les paysans ont dû faire le choix de baisser les taux de matière grasse par la génétique. Finies les mamelles XXL et le lait bien gras ! Les vaches doivent à présent produire du light ! Et attention aux pénalités !

En ce temps là, les nutritionnistes nous bassinaient que le beurre était mauvais pour la santé ! Vive la margarine !

En 2014, après les affaires du lait frelaté, les Chinois ont jeté leur dévolu sur le lait européen.

« Vite les paysans, la Chine a soif de lait ! Agrandissez les étables, faites couler à flot l’or blanc, ouvrez grand les robinets ! Vous allez voir ce que vous allez voir ! Nous les industriels laitiers, nous avons besoin de votre bon lait ! N’ayez pas peur, investissez ! On vous le rendra bien ! »

Et la Chine acheta, et la Chine acheta de la bonne poudre de lait… et le prix du lait augmenta ! Et la Chine stocka, stocka la bonne poudre de lait… Puis la Chine bouda et le prix du lait chuta !

Mais, ce n’est pas possible ça ! On nous avait dit, promis que ce n’était que le début de l’Eldorado !

2015 : date fatidique de la supression des quotas laitiers ! Laisser faire le marché, faire des économies au niveau européen… Et ce qui était prévisible arriva et le volume de lait augmenta et le prix baissa… Et les Russes n’achetaient plus de fromage et la Chine n’avait plus aussi soif de lait… Et qui étaient les dindons de la farce ? Pas la peine de vous faire un dessin !

Il n’y avait plus qu’à baisser la production…et se serrer la ceinture en attendant peut-être des jours meilleurs…

Et maintenant, on nous dit qu’il n’y a plus assez de beurre ! Les fabriquants et les particuliers se plaignent de la pénurie de beurre et du prix exorbitant !

Mais le laitier, lui, attend toujours l’augmentation du lait qu’il fournit à la laiterie pour fabriquer du bon beurre qui sera vendu très cher !

Bon, depuis peu, il voit son litre de lait augmenter de quelques centimes, c’est vrai, mais depuis deux ans, il tire la langue, lui ! Et tout le monde s’en fichait !

Bien au contraire, cela permettait d’écrémer le milieu paysan ! Assez des petites fermes qui produisent plus de lait à l’herbe d’ailleurs !

C’était l’occasion rêvée, pour ces loups affamés, de les voir disparaître (pour mieux s’agrandir mon enfant !). Et beaucoup de fermes ont disparu et beaucoup de laitiers aussi, trop ! On les a poussé à / au bout tout simplement. Il n’y avait plus d’espoir…

Y a-t-il de l’espoir d’un avenir meilleur ? Nous entendons des paroles, nous voulons des actes !

Mais, en ce moment, qui a le beurre et l’argent du beurre ?

Longue vie aux industriels laitiers !

Catherine Bégos


Du même auteur : https://wikiagri.fr/articles/eleveurs—vegans-pourquoi-tant-dacharnement-/15884

Notre illustration ci-dessous est issue de Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/52688757.

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