ruud terrenales

L’agriculture écologiquement intensive source d’innovations aux Terrenales 2015

Les Terrenales 2015, qui se sont déroulées les 28 et 29 mai près d’Angers, ont mis en lumière un certain nombre d’innovations agricoles assez étonnantes et montrent au final que l’agriculture écologiquement intensive atteint l’objectif de « produire plus avec moins ».

Les Terrenales 2015 se sont déroulées à La Blanchardière près d’Angers les 28 et 29 mai derniers. Cette édition se présente comme le « deuxième rendez-vous mondial de l’Agriculture écologiquement intensive », la première édition s’étant déroulée en mai 2010 à Saint-Jean-de-Linières dans le Maine-et-Loire. C’est le groupe coopératif Terrena, la première coopérative de France avec 22 000 adhérents, qui est à l’origine de cette manifestation, d’où le nom de Terrenales. Celui-ci s’est, en effet, investi à partir de 2008 dans la promotion de l’agriculture écologiquement intensive dans le contexte des débats autour du Grenelle de l’environnement autour d’une idée centrale qui est, d’après Hubert Garaud, le président du groupe interrogé dans Ouest-France le 5 mai dernier, de « continuer à produire en utilisant moins de produits chimiques ».

Un monde d’innovations

Les Terrenales sont un salon qui vise de présenter un certain nombre d’innovations autour de quatre grandes thématiques : (1) les fonctionnalités éco-systémiques, (2) la connaissance du vivant, (3) le numérique et les capteurs et (4) l’énergie / les machines / les robots. Au total 103 innovations ont été présentées en 2015. Certaines sont particulièrement spectaculaires.

C’est le cas de l’imprimante 3D au service des agriculteurs. On le sait, une imprimante 3D permet d’imprimer des objets à l’aide de fines couches de plastique. En l’occurrence, l’imprimante 3D présentée aux Terrenales imprime, par exemple, des pièces de rechange ou bien une semelle pour sabot, à un coût relativement faible.

C’est aussi le cas des robots. En effet, si les drones ont été les vedettes des derniers Sia, ce sont les robots qui semblent être les innovations les plus remarquables aux Terrenales 2015. Au-delà de la prouesse technologique, la robotique agricole s’inscrit, en effet, parfaitement dans l’agriculture écologiquement intensive. Pour Bertrand Pinel, le chef de projet R&D au sein du groupe Terrena, interrogé par Ouest-France le 5 mai, l’AEI consiste à « produire plus et mieux, avec moins. Cela passe par la réduction des pesticides ou de l’utilisation du gazole, de l’optimisation de la main-d’œuvre… ». Or, d’après lui, la robotique agricole est une réponse particulièrement adaptée à ces enjeux.

Ces robots ne sont pas des robots de traite des vaches, mais en l’occurrence des robots pour les cultures. C’est le cas de Ruud, un robot anti-rumex, qui est présenté pour la première fois en France. Il s’agit d’un prototype mis au point par une université aux Pays-Bas qui peut détecter et analyser la plante vivace (rumex) à l’aide d’une caméra et ensuite la broyer en profondeur, le taux de repousse étant censé être très faible par la suite. Bertrand Pinel note tout de même que ce robot est lent et que la navigation est encore loin d’être opérationnelle.

On peut mentionner également Oz (déjà cité sur WikiAgri), un petit tracteur robotisé électrique de 150 kg qui mesure 70 cm de long pour une largeur de 40 cm et une hauteur de 60 cm. Il peut désherber mécaniquement les rangées de cultures maraîchères de manière autonome, c’est-à-dire sans intervention humaine (il peut être aussi guidé par une télécommande sans fil). Il dispose d’une autonomie d’environ 4 heures. Il peut aussi transporter des légumes durant les récoltes. Il peut porter une charge de 90 kg et tracter jusqu’à 300 kg. Il se guide de façon autonome grâce à un repérage laser lui permettant de détecter son environnement. Lorsqu’il a terminé sa tâche, Oz envoie alors un sms à son propriétaire pour le prévenir. Il peut aussi envoyer un sms d’alerte s’il détecte une anomalie. C’est le fondement même de la technologie, à savoir se substituer au travail humain pénible (désherbage mécanique et transport de charge lors des récoltes) et/ou décupler les capacités humaines ou animales. Il présente aussi l’avantage de réduire la consommation de produits phytosanitaires puisqu’il procède à un désherbage mécanique de précision et la consommation énergétique puisqu’il est électrique. Qui plus est, il s’agit d’une innovation 100 % française de l’entreprise toulousaine Naïo Technologies.

Mise en pratique de l’agriculture écologiquement intensive

Les Terrenales mettent également en avant ce qu’elles appellent les « Sentinelles de la terre ». Ce sont des agriculteurs qui « ont choisi de s’engager activement dans le développement de nouvelles pratiques d’agriculture écologiquement intensive ». En clair, ce sont des pionniers de l’agriculture écologiquement intensive qui vont tester au sein de leur exploitation un certain nombre d’innovations en matière de préservation du sol, de gestion de l’eau, de nutrition et de protection des plantes, de nutrition et de santé animales, de biodiversité ou de machines agricoles.

Mais qu’est-ce que l’on entend au juste par agriculture écologiquement intensive (déjà communément appelé selon ses initiales, AEI) ? Ce concept a été créé par l’ingénieur-agronome Michel Griffon. Il date d’août 2008 et est né dans le contexte du Grenelle de l’environnement. Il s’agit d’une voie médiane entre l’agriculture traditionnelle, dite intensive, et l’agriculture raisonnée ou biologique qui consiste à répondre à deux préoccupations souvent décrites comme antagoniques, à savoir (1) continuer à produire pour satisfaire les besoins alimentaires croissants, mais (2) produire en respectant la santé humaine et l’équilibre des écosystèmes. L’objectif est donc, selon l’Association internationale pour une agriculture écologiquement intensive présidée par Michel Griffon, de produire « autant ou plus, et mieux avec beaucoup moins d’intrants » chimiques. En résumé, « il s’agit de profiter des forces considérables de la nature pour produire beaucoup plus, mais sans recours permanent aux énergies fossiles, aux intrants chimiques et à une mécanisation coûteuse » en intensifiant « efficacement les processus écologiques, tout comme avant on intensifiait les processus chimiques, la main-d’œuvre ou les énergies fossiles ». Comme le définit Hubert Garaud (président de Terrena), « nos modes de production doivent répondre à la fois à la préservation des écosystèmes, aux exigences de qualité du consommateur, et à un équilibre économique ».

L’AEI concerne les agricultures très productives des pays développés, tout autant que les agricultures familiales peu productives des pays en développement. L’AEI se déploie ainsi dans huit domaines de recherche : la nutrition et la protection végétales, les outils et les machines agricoles, la nutrition et la santé animales, la gestion de l’eau, la préservation du sol, la biodiversité, la valorisation de la biomasse et enfin les bâtiments d’élevage et l’énergie.

Selon le témoignage d’Hubert Garaud, ce concept a eu tout de même du mal à s’imposer : « Nous avons connu les trois phases inhérentes à tout projet : on s’est d’abord moqué de nous, on nous a ensuite parfois combattus, et enfin, beaucoup ont adhéré à l’idée. » Aujourd’hui, les réticences semblent donc beaucoup moins importantes. Le groupe Terrena a d’ailleurs créé une marque spécifique en la matière appelée La Nouvelle agriculture qui s’appuie sur  un cahier des charges précis.

Un moyen de réconcilier société et agriculture

Au bout du compte, ce concept d’agriculture écologiquement intensive est particulièrement intéressant pour plusieurs raisons. La première est qu’il dépolitise l’écologie en évitant de la transformer, aux yeux des agriculteurs, en écologie-sanction, écologie-culpabilisation, ou en une contrainte supplémentaire. Ensuite, il montre que les contraintes, quelles qu’elles soient, en l’occurrence environnementales, de changement climatique, de raréfaction des ressources naturelles et démographiques, sont aussi des facteurs d’innovation. Enfin, il donne aussi aux agriculteurs l’opportunité de sortir de cette image de pollueurs qu’ils conservent encore aujourd’hui aux yeux d’une partie des consommateurs (comme on le constate à travers les enquêtes d’opinion), et de regagner leur confiance.

Un sondage réalisé par Ipsos pour Terrena à l’occasion des Terrenales tend d’ailleurs à confirmer ce décalage de perceptions qui peut exister entre agriculteurs et société. Ainsi, si pour 73 % des agriculteurs, l’agriculture est innovante, seuls 44 % des Français interrogés partagent ce constat. Cette vision divergente concerne également la nature de l’innovation dans le secteur de l’agriculture. Les agriculteurs l’associent spontanément au machinisme, pour 55 % d’entre eux, alors que les consommateurs l’associent d’abord à l’environnement (33 %). De même, si 71 % des agriculteurs ont une vision positive de l’innovation agricole, notamment sur les conditions de travail et la traçabilité des produits, les Français, eux, en ont plutôt une vision négative en considérant qu’elle a favorisé une agriculture productiviste au détriment de la qualité des produits et de l’environnement. D’ailleurs, les innovations plébiscitées par le grand public sont liées à la qualité de l’alimentation et au respect de l’environnement. On peut enfin observer sans trop de surprises un écart non négligeable des points de vue entre agriculteurs et consommateurs en ce qui concerne les OGM et l’agriculture biologique.

En définitive, le concept d’agriculture écologiquement intensive peut sans aucun doute être à la fois un moyen pour les agriculteurs de retrouver une fierté de leur métier et de rapprocher agriculteurs et consommateurs. Ainsi, Hubert Garaud affirme : « Notre préoccupation était de répondre aux souhaits de nos adhérents de ne pas être considérés comme des agriculteurs-pollueurs. Il fallait donc accepter de changer pour redonner de la fierté de leur métier aux agriculteurs. » Il précise : « Les agriculteurs pratiquant l’AEI ont totalement intégré le fait que leurs pratiques doivent être parfaitement en lien avec ce que la société attend d’eux. Ce lien a trop souvent été rompu dans le passé, notamment parce qu’il y avait trop d’intermédiaires avant le consommateur. »

En savoir plus : www.lesterrenales.com (site des Terrenales); https://wikiagri.fr/articles/oz-le-robot-qui-ne-se-plante-jamais/1255 (article précédent de WikiAgri montrant le robot Oz sur le terrain) ; www.youtube.com/user/lesterrenales (vidéos consacrées aux Terrenales 2015 sur YouTube), www.terrena.fr/uploads/DP_LesTerrenales.pdf (dossier de presse sur les Terrenales 2015), http://lesterrenales2010.com (site de la première édition des Terrenales en 2010), www.lesterrenales.com/imprimante-3d-quels-usages-a-la-ferme (informations sur l’imprimante 3D présentée aux Terrenales 2015), www.lesterrenales.com/ruud-le-robot-anti-rumex (informations sur le robot Ruud présenté aux Terrenales), www.lesterrenales.com/oz-de-naio-technologies (informations sur le robot Oz présenté aux Terrenales), www.lesterrenales.com/2eme-rdv-mondial-de-laei/les-sentinelles-de-la-terre (informations sur les « sentinelles de la terre »), www.terrena.fr/index.php?page=nouvelle-intensive (définition de l’AEI sur le site de Terrena), www.aei-asso.org/fr (site de l’Association internationale pour une agriculture écologiquement intensive), www.aei-asso.org/fr/notre-demarche (définition de l’AEI par l’Association internationale pour une agriculture écologiquement intensive).

La photographie du robot Ruud ci-dessous est issue du site des Terrenales. Lien direct : www.lesterrenales.com/ruud-le-robot-anti-rumex.

 

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