julien p delucq kiwis jaunes

La culture du kiwi s’apprête à vitaminer l’emploi

La France est le cinquième producteur mondial de kiwis. Cette filière offre de belles perspectives pour l’avenir. Rencontre avec Julien Pédelucq, co-président du Bureau interprofessionnel du kiwi français et Pdg de la Sikig, première structure française de production de kiwis jaunes et seconde de kiwis verts.

Cinquante ans que la culture du kiwi se développe en Europe. Elle s’est taillée une part de marché juteuse. L’Italie est le leader mondial de la production avec 500 000 tonnes. Suivent la Nouvelle-Zélande avec 470 000 tonnes, le Chili avec 170 000 tonnes, la Grèce avec 160 000 tonnes et donc la France avec 60 000 tonnes.

La production française provient à 78 % du sud-ouest. Les lianes de kiwis apprécient le climat doux et humide de ce territoire. Le kiwi cultivé dans la vallée de l’Adour est le seul à bénéficier d’un label rouge et d’une indication géographique protégée (IGP).

C’est dans cette vallée, dans les Landes, à Saint-Etienne d’Orthe, qu’est installée la société Sikig, première structure française de production de kiwis jaunes et seconde de kiwis verts. Elle regroupe 150 producteurs du Pays basque, des Landes et du Gers.

« Nous produisons 8 000 tonnes de kiwis verts et 1 000 tonnes de kiwis jaunes chaque année », précise Julien Pédelucq, Pdg de la société. 50 % de cette production sont exportés. En Europe, en direction de l’Espagne, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Hollande et de la Suisse. Egalement en Asie, depuis 5 ans, à Taïwan, à Hong Kong, au Vietnam, en Thaïlande et…en Chine, pays dont est originaire le kiwi. « La Chine est le premier producteur mondial, affirme Julien Pédelucq. Elle produit probablement entre un et deux millions de tonnes mais n’est pas inscrite dans le classement mondial car elle ne fournit aucun chiffre officiel. » Avec une population importante et toujours croissante, sa production ne peut lui suffire.

« Alors que l’Europe est en crise, la Chine se développe économiquement, explique le Pdg. Une classe moyenne émerge. Les Chinois peuvent désormais se payer ce dont les européens n’ont plus les moyens. » Et ils aiment tout particulièrement le « made in France ». « La Chine verse une prime à notre qualité, commente Julien Pédelucq. Elle rémunère mieux les producteurs que l’Europe. » Il ne peut contenir sa pensée : « Je suis pour l’Europe mais son concept actuel est aberrant. Il va falloir une révolution des esprits. L’Europe tue l’emploi. »

Pourtant, elle devrait faire preuve de prudence. « La Chine se lance dans des recherches variétales, prévient-il. Dans vingt ou trente ans, elle pourrait se passer de notre production. »

Le SunGold, l’avenir des kiwiculteurs

C’est en 2003 que la Sikig a introduit le kiwi jaune dans ses vergers, en partenariat avec la firme néo-zélandaise Zespri. « Ce partenariat était important, souligne Julien Pédelucq. Zespri dispose d’un centre de recherche et de toutes les variétés du futur. Cinq de leurs techniciens accompagnent nos producteurs. »

La filière du kiwi jaune rémunère bien ses producteurs. « Le kiwi jaune n’a pas de concurrence, remarque notre interlocuteur. Le développement de cette culture est maîtrisé, le nombre d’hectares plantés est limité. » Seules trois stations sont autorisées à cultiver du SunGold : la Sikig sur 200 hectares, et deux autres dans la vallée de la Garonne sur 250 hectares.

La production de SunGold est commercialisée par Zespri. Les saisons dans les hémisphères nord et sud étant inversées, la firme vend les productions néo-zélandaises et chiliennes durant six mois puis les productions européennes au cours des six mois suivants. « Ainsi, Zespri propose du kiwi toute l’année à ses clients. »

Actuellement, la Sikig systématise la protection des vergers de kiwis par des filets. « Ils protègent les lianes du vent, de la grêle, souligne Julien Pédelucq. Avec ce procédé, la production passe de 20 à 26 tonnes par hectare. » Mais un nouveau dispositif est en cours de test sur 8 hectares. « Il s’agit de couvrir les vergers avec des bâches en plastique. Toutes les maladies, bactéries, se propage par l’eau. Celle-ci tombera entre les rangs et ne touchera plus le végétal. Ainsi, nous utiliserons moins de chimie et la production pourra atteindre les 60 tonnes par hectare. C’est un procédé révolutionnaire qui, en plus, offrira de meilleures conditions travail aux salariés. »

« Le kiwi a sauvé des agriculteurs »

Cette méthode promet un avenir à la filière du kiwi jaune. La Sikig  espère une production de 8 000 tonnes de SunGold dans 8 ans. « Nous aurons besoin de main-d’œuvre et nous embaucherons », assure Julien Pédelucq. Seul inconvénient de cette installation : son coût. « Il double celui d’une entrée en culture, admet-il. Il sera vite rentabilisé pour les producteurs de kiwis jaunes mais ne pourra pas être envisagé par les producteurs de kiwis verts. » Variété soumise à forte concurrence et donc moins bien rémunérée.

« Le kiwi a sauvé des agriculteurs, observe Julien Pédelucq. Avec deux ou trois hectares de kiwis, il peuvent dégager un bénéfice pour vivre et compenser les pertes sur d’autres cultures. » Et en sauvera d’autres. Zespri travaille sur une variété de kiwi à chair rouge que la Sikig espère proposer à ses producteurs dans 5 à 6 ans. « Et nous pensons tester la culture de l’avocat, annonce Julien Pédelucq. C’est un fruit qui se plait dans les zones de production de kiwis. »

50 ans de culture

C’est en 1965, qu’Henri Pédelucq, le père de Julien, a introduit la culture du kiwi en Europe. « Mon père, né dans les Landes, a effectué son service militaire au Maroc, raconte Julien Pédelucq. Il est tombé amoureux de ce pays et s’y est installé. Il était ingénieur agronome pour la société Du Pont de Nemours. » Henri Pédelucq a quitté le Maroc en 1965 et rejoint ses terres à Labastide-Villefranche, dans le Béarn. Il s’est envolé vers la Nouvelle-Zélande pour en revenir avec des plants de kiwis qu’il a expérimenté. En 1967, il a planté un hectare de kiwis à vocation commerciale. En 1978, il a créé la Sikig à la tête de laquelle lui a succédé son fils, en 1995, quelques mois avant son décès.
 

Ci-dessous, Julien Pédelucq dans l’un de ses vergers de kiwis jaunes.

Ci-dessous, les vergers sont recouverts de filets pour les protéger du vent et de la grêle.

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