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La crise des fruits a des répercussions sur l’emploi

Embargo russe, dumping sur les produits d’été, faibles cours de la pomme…. Les arboriculteurs traversent une crise qui détériore l’emploi agricole.

Entre 2008 et 2012, le nombre de chefs d’exploitation arboricoles a baissé de 18 % et le nombre de salariés a diminué de 12 % pour s’établir à 94 000 salariés en 2012 (dont un peu plus de 4000 permanents). Par ailleurs, l’âge moyen des exploitants a reculé de quatre ans sur la même période. Les départs en retraite ne sont plus remplacés et les volumes de fruits ont baissé de 30% en douze ans. « Ce matin, je devais covoiturer avec un jeune arboriculteur. Mais il n’est pas venu, car il avait rendez-vous avec son mandataire judiciaire pour mettre la clé sous la porte. Il y en a marre de perdre des gens ! », s’insurgeait Pascal Clavier, administrateur de la fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) lors du dernier congrès à Tulle les 28 et 29 janvier.

Les campagnes difficiles s’enchaînent depuis 2009, mais la crise de 2014 est jugée « sans précédent » par la fédération. Tout d’abord, le différentiel du coût du travail n’a jamais été aussi douloureux ; il varie de 1 à 3 selon les pays européens, sachant qu’il représente entre 50 à 70% du coût de production. Pour le président de la FNSEA Xavier Beulin, le match est inégal : « Nous ne dirons jamais que les salaires sont trop élevés, mais à cause des charges, on ne peut pas tenir la concurrence avec nos voisins. En Allemagne, le salaire minimum sera de 8,57 euros en 2017, mais il y a des exonérations très généreuses pour les saisonniers. On peut admettre un décalage temporaire avec les nouveaux intrants de l’UE, mais pas avec l’Allemagne ». La FNPF continuera de militer en 2015 pour une harmonisation européenne des règles commerciales et sociales.

Toujours trop de charges…

Le gouvernement a répondu aux inquiétudes des producteurs de fruits en prévoyant l’exonération de charges sur les travailleurs saisonniers (TO-DE), l’application du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et un allégement des cotisations sociales. Mais pour la fédération, ces mesures ne réduisent pas l’écart avec les voisins européens, comme l’explique un des administrateurs de la FNPF Patrice Vulpian : « On parle du CICE depuis trois ans mais personnellement, je ne le toucherai qu’à l’automne 2015. C’est 6 % cette année, et on ne sait pas ce qu’il en sera demain. C’est toujours mieux que rien mais il y a un trop grand différentiel avec l’Espagne. On appelle à l’exonération complète des charges pour les saisonniers et les salariés permanents. » Luc Barbier, le président de la FNPF, va même plus loin : « Est-ce vraiment à l’entreprise de financer la couverture sociale et maladie ? Qui aura le courage politique de porter ces questions ? »

Au-delà des règles sociales, la concurrence s’exerce avant tout sur les prix. Sur le marché de Madrid, les pêches se négociaient aux alentours d’un euro cet été, et presque moitié prix à Saint-Charles… De plus, les fraudes se sont cumulées, comme le transport de fruits sans bon de commande ni prix et la francisation des produits. Autres facteurs de concurrence : les contraintes environnementales, la règlementation sur le travail en hauteur pour les mineurs, le futur compte pénibilité…

Un observatoire de l’emploi arboricole

Manquant de chiffres pour convaincre les administrations de ces difficultés, la FNPF a mis en place en 2014 un observatoire de l’emploi en arboriculture fruitière. « Il a demandé deux ans de préparation. Pour l’instant, nous récoltons seulement les données de la MSA, et les premiers chiffres nous prouvent que nos craintes sont fondées. Nous constituerons un panel d’agriculteurs pour compléter ces données et avoir des perspectives produit par produit. On aimerait bien que nos voisins européens fassent la même chose pour qu’on puisse comparer », explique Patrice Vulpian.

A noter : la situation de l’emploi est différente selon les productions fruitières. « Dans le secteur de la pêche et la nectarine, on a perdu environ 10 000 emplois en treize ans. Mais les producteurs de noix et de noisettes sont au contraire en expansion », nuance l’administrateur.

L’arboriculture reste le premier employeur agricole

Selon le rapport de Régis Hochart remis en janvier au Ministre, 100 ha de vergers représentent 35 emplois, ce qui est le plus fort taux d’embauche agricole. Si l’arboriculture ne représente qu’1% de la SAU, elle totalise 21% des emplois agricoles. « N’oublions pas que ce sont des emplois ancrés dans le territoire. Par ailleurs, les agriculteurs ont la capacité de former des gens, notamment des personnes en réinsertion. Mais on ne parle jamais de ça… », regrettait Luc Barbier.

Les producteurs de fruit ont également des difficultés à recruter des saisonniers, et beaucoup recourent à des officines étrangères : « A vu d’œil, elles fournissent moins de 10% de nos emplois, mais ces salariés nous coûtent exactement la même chose », explique Patrice Vulpian.  Pôle Emploi anime des cellules dédiées pour favoriser les recrutements locaux.

En savoir plus : http://www.fnpfruits.com/sites/fnpfweb (site de la fédération des producteurs de fruits) ; http://www.msa.fr/lfr/de/exonerations-travailleurs-occasionnels (les nouvelles règlementations sociales) ; http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/2014_Rapport_mission_Regis_Hochart_-_Devenir_production_fruitiere_France_cle0963f8.pdf (le rapport Hochart).

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