cochon laboratoire

Des petits cochons pour étudier l’influence de nos comportements alimentaires

Une alimentation trop grasse et trop sucrée est néfaste à la santé. On le sait mais des chercheurs de l’INRA viennent de montrer, grâce à l’étude d’une race de mini-porcs, que ces troubles alimentaires modifient durablement le fonctionnement du cerveau.

Ainsi, les déséquilibres alimentaires, en plus des effets nocifs sur la santé, altèrent certaines zones du cerveau, des zones qui correspondent au plaisir et à la prise de décision.

C’est en observant le comportement de porcelets et de leurs mères que des chercheurs de l’unité ADNC (alimentation et adaptations digestives, nerveuses et comportementales) de l’INRA, basés à Saint-Gilles (Ille-et-Vilaine) en apprennent plus sur les comportements alimentaires et l’axe intestin – cerveau, à deux périodes clés de notre vie : autour de la naissance (avec la croissance in-utero et l’allaitement), et durant l’adolescence.

« Nous travaillons sur une race de mini-porcs, explique David Val-Laillet, directeur de cette unité, car ces animaux ont un système digestif très proche du nôtre, leur cerveau est très développé et nous pouvons utiliser les mêmes techniques d’imagerie médicale qu’à l’hôpital ».

Pour comprendre comment s’installent les troubles alimentaires, les chercheurs ont soumis les mini-porcs à un régime gras et sucré à volonté. « Ils sont devenus obèses, avec un pré-diabète, de la surconsommation alimentaire, du grignotage, constate le chercheur. Au niveau cérébral, nous avons constaté les mêmes anomalies que chez les humains obèses. A savoir un moins bon fonctionnement des zones du cerveau correspondant au plaisir. Pour éprouver la même satisfaction alimentaire, ces mini-porcs devaient en quelque sorte manger toujours plus ».

Après avoir observé des animaux adultes, les chercheurs se sont intéressés à l’empreinte périnatale de l’alimentation : quelles sont les conséquences pour les porcelets dont les mères ont consommé, pendant la gestation et l’allaitement, trop de gras et de sucre ? « Les porcelets, nés de mères mal alimentées mais non obèses, présentent des anomalies métaboliques et comportementales, analyse David Val-Laillet. Ce qui nous a étonnés, ce sont les différences sur les facultés d’apprentissage. Nous pensions qu’ils auraient des capacités d’apprentissage et de mémorisation réduites, car cela a déjà été démontré sur des modèles rongeurs. Mais dans un test cognitif dont le but était de retrouver des récompenses alimentaires, des M&M’s qu’ils adorent, ces porcelets ont montré d’étonnantes performances. En réalité, plutôt qu’une mémoire surdéveloppée, c’est leur motivation exacerbée pour le sucre et le gras qui les a poussés à rechercher les friandises ». L’alimentation des truies gestantes et allaitantes a donc « conditionné » les petits à des troubles du comportement et à une éventuelle obésité plus tard.

Au régime !

La prochaine étape de recherche se situe autour de l’adolescence. « C’est un âge clé en terme de remodelage cérébral, souligne David Val-Laillet. A l’adolescence, la plasticité cérébrale est importante, les goûts changent. Avec la croissance importante, l’ado peut être tenté par une alimentation grasse et sucrée. En se basant toujours sur notre modèle mini-porcs, nous voulons étudier l’impact à long terme sur la santé de ces comportements alimentaires. »

Cette étude va aller plus loin dans l’analyse des comportements alimentaires. Si, dans un premier temps, vont être comparés des sujets, qui, pour un même poids, ont une alimentation différente, les mini-porcs auront ensuite accès à une alimentation grasse et sucrée à volonté « pour voir quels sont les impacts d’une bonne ou d’une mauvaise alimentation durant l’adolescence sur les choix alimentaires ultérieurs ».

Troisième étape pour nos mini-porcs devenus obèses : les faire maigrir. Soit de façon chirurgicale, avec ce qu’en médecine humaine on appelle le by-pass, une réduction de l’estomac et d’une partie de l’intestin ; soit en les mettant au régime. « Pour une même perte de poids, nous voulons voir si la méthode influence leur comportement alimentaire ultérieur et leur fonctionnement cérébral », explique le scientifique.

Aider à faire les bons choix thérapeutiques

Déjà, des applications en santé humaine se profilent. Grâce à l’imagerie médicale, les chercheurs peuvent voir comment la surconsommation de gras et de sucre modifie le fonctionnement du cerveau, à l’image des changements observés chez les mini-porcs. « Nous cherchons à valider des bio-marqueurs fiables de l’activité cérébrale qui aideront à poser les diagnostics, anticipe le chercheur : est-ce que cette personne est obèse en raison de troubles métaboliques, d’une perturbation des signaux de satiété ou est-ce dû à des problèmes neurocomportementaux, comme une addiction alimentaire ? »

Le savoir permettra de l’orienter vers un parcours de soins personnalisé. En effet, les médecins ont observé que, après une chirurgie digestive de type by-pass, certains patients remplacent leur addiction alimentaire par une autre addiction tout aussi néfaste, comme l’alcoolisme. Une personne obèse ne présentant pas de troubles addictifs pourrait trouver une solution dans une chirurgie digestive alors qu’une autre présentant des troubles neurocomportementaux pourrait être plutôt orientée vers une thérapie comportementale.

En attendant les 5 à 10 ans nécessaires à la caractérisation et à l’utilisation courante de tels bio-marqueurs, les scientifiques peuvent d’ores et déjà faire de recommandations. « L’exposition précoce à une alimentation trop grasse et trop sucrée a des impacts sur le long terme », rappelle David Val-Laillet. Si vous êtes enceinte ou que vous allaitez, pas de cigarette, pas d’alcool et limitez le Mc Do !

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Attention aux édulcorants

Pour faire attention à son alimentation, on pourrait remplacer le sucre par des édulcorants. Le goût du sucre mais sans les calories ! « Les édulcorants ont des effets assez pervers sur le fonctionnement cérébral, prévient David Val-Laillet. Ils leurrent le cerveau et peuvent induire une sécrétion d’insuline, tout comme une absorption intestinale accrue de glucose. Ce qui entraine des fringales de sucres ». Ce message contradictoire « effet du sucre mais sans sucre » n’est pas anodin pour le cerveau.

 

Notre illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct https://fr.fotolia.com/id/56828501.

 

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