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Des agriculteurs s’organisent pour reprendre la marge des grandes surfaces

A Châteauroux, une quarantaine de producteurs agricoles locaux, fédérés par leur syndicat, ont décidé d’ouvrir leur propre magasin avec l’objectif affiché de reprendre la marge abandonnée aux grandes surfaces.

Président depuis trois ans du syndicat agricole majoritaire dans son département, la FDSEA de l’Indre, Hervé Coupeau est un homme d’action, qui tient à ce que les actes viennent à l’appui des discours. Las d’entendre si souvent ses collègues agriculteurs (lui-même est éleveur de volailles et céréalier) se plaindre des marges prises par les grandes surfaces sur les produits agricoles, il a compris qu’une solution durable ne viendrait pas de pourparlers sans fin entre les uns et les autres, ni même de textes législatifs, souvent contournés. Considérant définitivement les enseignes de la grande distribution comme peu fiables, il a décidé de passer outre, en ouvrant un magasin spécifique de produits agricoles, riches et variés comme le terroir local, conçu à la fois pour mettre en valeur le travail des paysans et pour plaire aux consommateurs de Châteauroux.

« Nous avons trois objectifs avec ce magasin, explique Hervé Coupeau. D’abord récupérer à notre profit, agriculteurs, la marge que les grandes surfaces se font sur notre dos. Ensuite, démontrer qu’il est possible de travailler avec une marge de fonctionnement réduite, qui laisse aux producteurs l’essentiel du prix de leurs produits, et leur permettent donc de gérer leurs exploitations, de se moderniser et de se mettre aux normes sans s’endetter excessivement, et ainsi de mieux répondre aux attentes des consommateurs. Enfin, nous reprenons aussi notre image, si souvent utilisée par les grandes surfaces et galvaudée au possible.« 

Des agriculteurs qui s’organisent pour ouvrir un magasin, cela existe déjà. Mais qu’ils soient aussi nombreux à s’associer, et dans le but explicite et affiché de venir offrir un débouché autre que les grandes surfaces, c’est une grande première. Et de fait, tout a été réfléchi pour que le magasin (« La Grange Berrichonne« , qui va ouvrir courant septembre, avenue Pierre de Coubertin, juste en face du stade de football) puisse tourner avec une marge minimale pour son fonctionnement, sans avoir à faire de stocks ni à organiser de tournées d’approvisionnement, tout en étant alléchant pour le consommateur.

Deux emplois créés, en attendant mieux

La marge de fonctionnement des grandes surfaces varie habituellement, selon Hervé Coupeau, entre 10 et 30 %, elle change d’un producteur à l’autre et d’une production à l’autre, et peut aussi évoluer dans le temps. Pour ce magasin de producteurs, il y aura une marge de fonctionnement unique, de 14 %, pour payer l’électricité et autres factures, et également les salariés du magasin : « Nous embauchons deux salariés temps plein plus un apprenti dans un premier temps, pas plus pour être sûrs de ne pas gaspiller l’argent des producteurs, reprend Hervé Coupeau. Mais si ça marche comme nous l’espérons, nous avons déjà envisagé qu’il nous faudrait une troisième personne… » A noter que s’il doit y avoir des arbitrages sur le magasin, concernant les salariés, réclamant un investissement supplémentaire, ou par rapport à un fournisseur (un producteur donc) posant un problème, c’est la structure FDSEA qui tranchera.

Tout a été mis au point après de nombreuses réunions impliquant tous les acteurs lors des huit derniers mois, délai depuis la date de la décision enregistrée lors de la dernière assemblée générale syndicale (décision à l’unanimité du conseil d’administration, soit de presque 50 agriculteurs, sans la moindre abstention). Ainsi, il a fallu d’abord acheter le bâtiment, et y faire des travaux. Au rez-de-chaussée, un espace composé de plusieurs bureaux a vu toutes ses cloisons, murs porteurs exceptés, abattues. A l’arrivée, l’espace est celui d’un petit supermarché. L’étage voit la FDSEA emménager dans ses propres bureaux : c’est d’ailleurs ce qui a permis la transaction financière, la structure ne loue plus son espace à la Chambre d’agriculture, et à la place rembourse l’emprunt global d’un bâtiment entier.

Toute une organisation

Ensuite, il a fallu s’équiper. « Nous avons acheté deux chambres froides, deux vitrines réfrigérées en libre-service, une troisième pour les fromages, un congélateur, des meubles-caisses et des caisses, différents étalages et rangements…« , détaille Tiaré Muller, l’administrative en charge du dossier. En l’espace de huit mois donc, 2500 agriculteurs adhérents de la FDSEA (une condition souhaitée par Hervé Coupeau : ceux qui veulent profiter du magasin doivent être adhérents de son syndicat) ont été contactés, il a fallu ensuite gérer les offres de service (demander, par exemple, aux nombreux producteurs de fromages de chèvre de s’entendre entre eux pour que l’offre du magasin à l’arrivée soit cohérente), puis faire un choix de fonctionnement : le magasin est géré comme un dépôt-vente, et chaque producteur est responsable de ses marchandises. Chacun livre lui-même, doit donc gérer ses stocks, reprendre ce qui n’est pas vendu à la date limite de vente (ou éventuellement accepter, à quelques jours de la péremption, que les salariés du magasin n’organisent une vente par lots à prix modérés). Un calendrier des approvisionnements est établi pour le magasin afin d’éviter plusieurs livraisons en même temps.

A propos des prix, il a été décidé qu’ils ne devaient pas excéder ceux pratiqués sur les marchés de Châteauroux. Les prix affichés en linéaires seront donc, dans le pire des cas, les mêmes que ceux des marchés, le consommateur sachant que la marge du magasin, ces 14 %, est comprise.

Un terroir riche, et de saison

Le magasin sera dédié uniquement des productions locales agricoles, ou directement issues de l’agriculture. Un espace fruits et légumes proposera tant des fruits de saison que des paniers de saison. Hervé Coupeau précise : « Nous allons en même temps expliquer aux clients ce que sont des fruits et légumes de saison, leur faire comprendre que, quand il n’y a plus un produit, il faut se diriger vers d’autres, en attendant son retour pour la saison suivante. » Tout un rayon viticole sera approvisionné par six producteurs, avec du reuilly, du valençay, et autres crus « sud de Loire » que les connaisseurs apprécient. Pour les fromages, ce sont pour l’instant douze producteurs qui participent à l’étalage, avec un rayon spécifique qui prévoit l’emballage du fromage devant le client, la meilleure façon d’en appréhender l’aspect. Au niveau des viandes, le magasin sera riche tant en volailles fermières (poulets, pintades, etc. mais aussi produits dérivés rillettes, terrines, foies gras…), qu’en viandes de porcs, bovine, de moutons, de veaux. Avec même un éleveur de lapins qui est venu compléter la gamme. Il y aura des possibilités de ventes au détail, mais aussi de colis de 10 à 15 kilos, qui intéresseront notamment les restaurateurs. On trouvera enfin du miel et autres produits apicoles, des plantes en pot, des glaces, du pain et des viennoiseries (« J’ai créé une section “sympathisants » à la FDSEA, explique Hervé Coupeau, pour faire adhérer le boulanger, qui n’est pas agriculteur« ), et même des pulls ou écharpes en laine mohair ! Le tout, venant exclusivement des alentours. A noter que le boulanger proposera des grignotages pour le midi. Les jours de match du club de Châteauroux, les supporters de foot pourront venir dans La Grange Berrichonne pour acheter des « saucisses frites » à partir de viandes et de pommes de terre du terroir local…

Pour les consommateurs, des projets sont déjà à l’étude pour le moyen terme, comme la mise en place d’un « drive » devant le magasin pour faciliter le retrait des marchandises…

« La presse locale a déjà parlé de notre projet, conclut Tiaré Muller. Nous avons aussi communiqué en profitant du stand de la FDSEA à la foire-exposition de Châteauroux. Nous savons qu’il existe une très grande attente au niveau des consommateurs…« 

Ouverture au public courant septembre, et inauguration officielle « en grandes pompes » dans le mois qui suivra.

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En savoir plus : cet article paraît également sur le site généraliste Atlantico sous l’url http://www.atlantico.fr/decryptage/ouverture-magasin-100-local-quand-agriculteurs-organisent-contre-grandes-surfaces-wikiagri-830659.html.

Le magasin va s’appeler La Grange Berrichonne, une première enseigne est déjà posée.

Hervé Coupeau, un leader syndical volontaire.

Il reste encore quelques travaux, mais très bientôt le magasin ouvrira, face au stade de foot de Châteauroux.

Plusieurs cloisons ont été abattues et les anciens bureaux vont bientôt faire place à un supermarché achalandé uniquement de produits agricoles locaux (à gauche, Tiaré Muller fait le point sur l’avancée de l’agencement du magasin avec les responsables agricoles).

3 Commentaire(s)

  1. Cet article est repris Atlantico, et la parution d’Atlantico est reprise sur Yahoo.

  2. Ah moi je trouve ça génial! je n’y suis pas encore allée mais je trouve cette initiative franchement géniale!!! surtout qu’il ne s’agit pas d’un truc rétro passéiste mais moderne avec paniers de légumes, et même ‘drive’ pour s’y approvisionner en voiture… on n’arrête pas le progrès chez nous à CHATEAUROUX.

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