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De l’opération paille est né le dialogue entre céréaliers et éleveurs

Jérôme Mathieu, président de la FDSEA des Vosges et éleveur laitier, a négocié cet été, pour la deuxième année consécutive, une opération paille avec les agriculteurs (céréaliers) du département de l’Oise. Il explique à WikiAgri comment se monte ce type d’opération et tout ce qu’elle implique dans les relations entre céréaliers et éleveurs.

WikiAgri : Les opérations de solidarité paille ont beaucoup évolué en peu d’années. Peut-on d’ailleurs encore parler de solidarité ?

Jérôme Mathieu : On va mettre le mot « solidarité » entre guillemets en effet. Il y a solidarité dans le sens où la recherche de paille pour les éleveurs vosgiens vient d’un hiver climatique difficile avec un gel très fort en fin d’hiver. Egalement dans le sens où ceux qui organisent cette opération sont des bénévoles. Mais sinon, la paille est achetée, les céréaliers la vendent à des éleveurs, et tout ceux qui travaillent à l’acheminement ou aux opérations de pressage sont rémunérés.

Comment tout cela est-il organisé ?

J.M. : Il faut penser à tout. Il faut d’abord savoir qui veut de la paille et combien, recueillir les promesses d’achat d’abord puis les premiers acomptes. Dans le même temps, fixer un prix pour la paille avec nos vendeurs, s’y tenir, y compris par contrats. Ensuite on fixe un échéancier. Un acompte est versé dès la commande, les paiements suivants interviennent à des dates précisées dès le commencement et sont scrupuleusement respectées, de façon à ce que l’ensemble soit réglé avant la fin de l’année. Nous avons aussi des engagements sur les dates limite pour dégager la paille, ce qui signifie toute une organisation avec les transporteurs. Pour régler tout cela, nous avons créé une association. C’est elle qui fait les versements, mais aussi qui collecte auprès des éleveurs le prix qu’ils doivent payer. Le fait que cette opération soit syndicale permet de conserver les prix. Nous en sommes à notre deuxième année consécutive de rapatriement de paille depuis l’Oise, des liens de confiance ont été tissés. Nous embauchons une affrêteuse qui s’occupe des transporteurs, négocie avec eux de telle façon que notre budget prévisionnel soit tenu. Les éleveurs payent à l’association l’exact prix de la paille, transport compris. Leurs dates de paiements tiennent compte des rentrées des aides Pac soit, après l’acompte, un versement le 16 octobre et le solde le 1er décembre. Cette année, ce sont 14 000 tonnes de paille que nous convoyons depuis l’Oise. L’année dernière, nous en avions rapportées 10 000. En revanche l’association, elle, rémunère chaque semaine les transporteurs et autres entreprises qui travaillent sur l’opération. Au passage, nous faisons vivre des entreprises non agricoles sur le coup, dont le chiffre d’affaires avait baissé avec l’hiver rude, et qui travaillent pour nous aujourd’hui sur le transport ou le pressage. Nous faisons fonctionner l’économie.

Pensez-vous reconduire cette opération tous les ans ?

J.M. : Non, ce n’est pas le but. Une année « normale » au niveau du climat, une telle opération n’a aucune raison d’être montée. Pour plusieurs raisons. D’abord les besoins sont moindres, ensuite les céréaliers qui vendent la paille ne veulent pas le faire tous les ans, car ils l’utilisent aussi pour ses vertus agronomiques sur les champs. En même temps, avec nos opérations, on se rend compte que la paille n’est plus un sous-produit céréalier, elle peut être valorisée, elle a un prix. Pour les éleveurs, cela mérite aussi des réflexions, par exempple pour construire des bâtiments plus économes en paille, et ainsi faire des économies.

A travers cette opération est née aussi un dialogue entre vous, les éleveurs des Vosges, et les céréaliers de l’Oise. Nous sommes cette année dans un contexte où les prix élevés des céréales font beaucoup parler quand on les compare aux difficultés rencontrées par les éleveurs. Quelle solution voyez-vous à cela ?

J.M. : Justement, le dialogue ! Le dialogue entre céréaliers et éleveurs est indispensable. On ne se connaît pas assez. Nous sommes dans la même famille d’agriculteurs, mais on oublie trop que 70 % des céréales produites en France servent à l’alimentation des animaux de nos élevages. Si un pan s’effondre, l’autre va suivre. Alors quelles sont les solutions par rapport aux problèmes posés actuellement ? Est-ce un fonds de solidarité comme il est en train de s’en décider un ? Peut-être, ou alors trouver le moyen de conserver un prix des céréales en dehors des spéculations quand ces céréales sont destinées aux éleveurs français ? Ou encore passer des contrats de prix entre céréaliers et éleveurs ? Il faut creuser. Mais ensemble, en discutant, en dialoguant. Instaurer une taxe, par exemple, avec tout le facteur obligatoire qu’elle contient, irait à l’encontre de ce dialogue. En plus, à qui profiterait le produit de la taxe dans une période où les liquidités financières manquent partout ? Aux éleveurs seulement, ou aussi à l’Etat au passage ? Non, dialoguons !

Nos photos sont issues de la page Facebook de Jérôme Mathieu. Ci-dessous : Bernadette Brehon, vice-présidente de la FDSEA de l’Oise en charge de l’opération, Jérôme Mathieu, président de la FDSEA des Vosges, Dominique Barrau secrétaire général de la FNSEA,et Luc Smessaert président de la FDSEA de l’Oise se sont rencontrés à Grandfresnoy (Oise).

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