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Comment le Maroc ajuste ses importations en fonction de sa production

Le Maroc, gros importateur de blé tendre est également un important producteur. Afin de favoriser sa récolte nationale, le Royaume « bloque » ses frontières en appliquant un droit de douane dissuasif pour les blés importés. Décryptage de ce fonctionnement.

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Un pays producteur qui favorise sa production locale

Le Maroc, très dépendant des aléas climatiques, a une production de blé tendre variable. Sur les 5 dernières campagnes, le Royaume chérifien a connu des productions allant de 1,8 Mt (2016/17) à 5,6 Mt (2015/16). Et sur la production totale, à peine la moitié est effectivement collectée, le reste est destiné à l’autoconsommation.

Pour connaître le volume importé par le Maroc chaque année, il faut prendre en compte :
1) La consommation annuelle moyenne du pays qui est estimée à 4,8 Mt par an (400 kt par mois),
2) Le stock de report qui est compris entre 1,5 et 1,8 Mt,
3) Le stock de sécurisé qui représente un peu plus de trois mois de consommation (1,6 – 1,7 Mt),
4) Le volume de la collecte.

Les trois premiers points étant relativement stables, la seule variable d’ajustement du pays est le volume de la collecte. Le Maroc importe donc une quantité inversement proportionnelle à celle de la collecte.

Concrètement, comment ça se passe ?

Le Maroc débute généralement sa moisson de blé tendre fin mai / début juin (figure 1). La plupart du temps au 1er mai et au plus tard au 1er juin, le gouvernement, à travers son office des céréales (ONICL), bloque les importations de blé tendre, en mettant des droits de douane qui dissuadent les acheteurs de s’approvisionner sur le marché extérieur, et ce jusqu’au 31 juillet minimum. La collecte est alors achetée par les acteurs locaux, à un prix cible fixé par le gouvernement (aux alentours des 160 €/t). Les meuniers écrasent le blé local et le mélangent avec les stocks de blés étrangers qu’ils ont constitué en fin de campagne précédente pour élaborer une farine qui répond aux besoins des consommateurs. En fonction du volume de la collecte, le gouvernement se réserve le droit de maintenir des droits de douane dissuasifs, parfois jusqu’en janvier.


Figure 1 : Evolution de la politique des droits de douane pendant une campagne de commercialisation du blé tendre


Pour débloquer les importations, le Maroc baisse ses droits de douane permettant de rendre compétitifs les blés étrangers par rapport au prix cible local.

Il est important de noter que le niveau des droits de douane varie en fonction des prix mondiaux puisque l’objectif est de dissuader ou non les importateurs marocains de s’approvisionner sur le marché mondial. La figure 2 illustre ce principe : pendant la campagne 14/15, les droits de douane du blé extérieur étaient fixés à 45 % du 1er juin au 1er septembre 2014, puis à 18 % jusqu’au 30 avril 2015. Au 1er mai 2015, le prix mondial s’étant dégradé, les droits de douane se voulant dissuasifs ont dû être ajustés plus hauts que l’année d’avant, à 75 %.


Figure 2 : Evolution du droit de douane sur les quatre dernières campagnes

Cliquez sur l’image pour l’agrandir

En 2017/18, les blés français auront peu de marge de manœuvre pour retrouver ses parts de marché

Depuis le début de la campagne, les droits de douane sont fixés à 135 % et ils devraient le rester jusqu’à la fin de l’année selon l’ONICL. Certains meuniers marocains estiment qu’ils pourraient baisser vers le mois de novembre. Mais pour le moment, rien n’est moins sûr.

Les importations devraient avoisiner les 3 – 3,5 Mt selon les estimations de notre bureau de Casablanca, notamment en raison d’une collecte qui devrait être moins importante que prévue.

Si la France parvient à retrouver sa part de marché habituelle sur cette destination (environ 50 %), le volume exporté vers le Maroc pourrait avoisiner les 1,5 – 1,8 Mt. Et les blés français ont réellement besoin cette année de retrouver ses clients, et notamment le Maroc, pour dégager les 10 Mt d’exportations prévues par les pays tiers selon FranceAgriMer.

Mais cela signifierait que la France exporte sur 4 – 5 mois (ouverture probable des importations) entre 300 et 400 kt de blé tendre par mois, en étant présente dès l’ouverture, et le tout à un prix compétitif ! La France bénéficie de la qualité nécessaire, c’est donc un beau challenge à relever pour l’origine française.

 

Margaux Verdier (France Export Céréales)

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