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Céréales d’hiver, bilan de la campagne 2016/2017

La récolte des céréales d’hiver est maintenant terminée. Retour sur la campagne 2016-2017 dont on retiendra un climat sec tout au long du cycle et une fin de cycle échaudante. Un bilan en demi-teinte.

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Un automne-hiver frais et sec

Les céréales d’hiver, semées majoritairement en octobre, ont bénéficié de bonnes conditions d’implantation. Les blés semés tardivement (blés de betterave) ont souffert davantage du sec. L’hiver s’installe progressivement, amenant du froid et très peu de pluie. Le froid ne provoque pas de dégâts dans les parcelles et limite la présence des pucerons qui se font très rares cette année. Le manque d’eau ne permet pas de recharger totalement les réserves en eau des sols.


Graphique 1 : cumul pluies / températures sur la période 1/10 – 10/01

Suite à une minéralisation de l’azote estivale et automnale élevée et à un manque de pluie durant l’automne, les Reliquats Sortie Hiver sont élevés dans la région : la moyenne tous précédents en sols de craie s’élève à 115 kg N/ha, contre 65 kg N/ha sur la période 2012-2016.

Les pluies de février-mars ne permettent de reconstituer que partiellement les réserves utiles. Le tallage est moyen pour les semis tardifs à bon pour les semis précoces et intermédiaires. Dans les essais, en orge d’hiver et en blé tendre d’hiver, le nombre de tiges à plus de 3 feuilles était compris entre 1000 et 1250 tiges/m² (Graphiques 2 et 3). A ce stade, le potentiel des cultures est prometteur.


Graphique 2 : Tallage Sortie Hiver – Blé tendre


Graphique 3 : Tallage Sortie Hiver – Orge

Les stades épi 1 cm sont proches de la moyenne pluriannuelle : 23 mars pour les orges d’hiver, 30 mars pour les blés.

Une montaison qui se caractérise par un climat sec

Dès les mois de mars-avril, le climat est sec voire très sec selon les secteurs, et peut d’ores et déjà entraîner des stress hydrique et azoté. La répartition des quelques séquences pluvieuses est très hétérogène, l’Aube et le Nord-Ouest de la Haute Marne sont les plus arrosés. Les sols les plus superficiels et les précédents betteraves souffrent davantage du sec (impact sur la biomasse et sur la montée des tiges à épis). Ainsi, sur sols superficiels type barrois ou graveluche, la réserve utile passe sous la réserve de survie dès la seconde quinzaine d’avril, marquant ainsi le début du stress hydrique (Graphiques 4 et 5).

Graphique 4 : Etat de la réserve en eau des sols – Craie – Réserve utile 180 mm


Graphique 5 : Etat de la réserve en eau des sols – Barrois – Réserve utile 80 mm

Les pluies de la première quinzaine de mai permettent dans certaines régions de repasser ponctuellement au dessus de cette réserve de survie. Là encore, les barrois aubois et haut-marnais (sols superficiels) en profitent davantage, mais avec une très forte hétérogénéité au sein des micro-secteurs.

Le stress hydrique durant la montaison accentue la régression de talles : de 1000-1250 tiges >3 feuilles en sortie hiver, la densité épis « retombe » à 550-600 épis/m² en moyenne (Graphiques 6 et 7). A 550 épis/m², le potentiel de rendement n’est pas impacté grâce au très bon rayonnement durant toute la montaison (favorable à la production de biomasse et à la fertilité épis). En deçà de 450-500 épis/m² (dans les parcelles les plus impactées par le stress hydrique), le potentiel est déjà affecté.


Graphique 6 : Densité épis – blé tendre

Graphique 7 : Densité épis – orge


Ce climat sec pose également question de la valorisation des apports d’azote. Les apports d’azote courant mars ont été valorisés de manière hétérogène selon les dates d’apport et le retour des pluies, très différent d’un secteur à l’autre (Graphique 8). Les apports d’avril sont les plus difficilement valorisés (moins de 10 mm en un le mois). Au stade dernière feuille, les pluies de début mai ont permis une bonne valorisation de l’azote en rendement et protéines. Dans un objectif rendement*protéines, plus de 70 % des conseils des outils de pilotage (N-Tester) indiquaient de rajouter entre 40 et 70 kg N/ha.

Graphique 8 : Pluviométrie journalière sur la station de Fagnières et valorisation des apports d’azote


En parallèle de ce climat sec, des à-coups climatiques peuvent expliquer des rendements variables et décevants.

En effet, des températures inférieures à -4°C (seuil d’alerte pour le gel d’épis) ont été relevées sur la seconde quinzaine du mois d’avril (Cartes). Les orges d’hiver sont davantage impactées que les blés, du fait de leur précocité.


Pour les parcelles d’orge d’hiver les plus précoces, des températures inférieures à 4°C (seuil d’alerte pour le froid à méiose) peuvent expliquer des fertilités épis décevantes : entre 30 et 35 grains par épi en moyenne (Graphique 9). La fertilité des blés est quant à elle bonne, de l’ordre de 40 grains par épi (Graphique 10), en lien avec le bon rayonnement courant montaison. Le stress hydrique peut également impacter la fertilité épis et expliquer les valeurs inférieures à 30 grains par épi.


Graphique 9 : Fertilité épis – orge

Graphique 10 : Fertilité épis – blé tendre

Au final, la montaison est plutôt longue, avec un stade épiaison atteint en moyenne le 8 mai pour les orges d’hiver et le 22 mai pour les blés.

Un état sanitaire globalement sain

L’hiver 2016-2017 plutôt froid a fortement limité les inoculums de sortie hiver, la montaison sèche n’a pas favorisé le développement des maladies foliaires.

Sur orge d’hiver, seule la rhynchosporiose était fortement présente dès le début de cycle : les températures fraîches et la pluie de février-mars ont favorisé sa sortie, si bien qu’au stade épi 1 cm, 50% des parcelles du réseau BSV signalaient des symptômes sur les f2 du moment.

Sur blé, l’oïdium était également présent en sortie hiver puis fin mai-début juin. La septoriose s’est faite très discrète et permettait l’économie d’un traitement fongicide grâce à l’utilisation d’outils d’aide à la décision tels que Septo-LIS®. La fusariose des épis est absente (pas de pluie à floraison, contrairement à 2016).

Un remplissage qui se déroule sous un bon rayonnement, dans un climat sec et chaud

Le bon rayonnement depuis l’épiaison jusqu’à maturité a permis de ne pas limiter la taille des enveloppes des grains d’orges d’hiver et de blé.  En revanche, les températures supérieures à 25/30°C ont pu impacter le remplissage des grains. Une première vague de chaleur a eu lieu autour du 28 mai juste avant le stade grains laiteux des orges d’hiver et au moment de la floraison des blés. La seconde vague, plus intense, est intervenue vers le 20 juin (Graphique 11).

Graphique 11 : Températures élevées et remplissage des céréales d’hiver


Les orges d’hiver sont moins affectées que les blés par ces températures élevées en échappant en partie à la seconde vague de chaleur : en effet, après grains pâteux, l’impact des températures élevées est moindre.

Dans les essais, les rendements en orge d’hiver sont globalement bons, entre 40 q/ha pour les sols les plus superficiels jusque 100 q/ha dans les meilleures conditions. Les PMG sont compris entre 40 et 50 g, le taux de protéines est relativement élevé (entre 10 et 12 % dans la plupart des essais), les calibrages sont excellents (90 % en moyenne).

Sur les blés, en revanche, les PMG sont fortement impactés par la seconde vague de chaleur qui intervient lors du palier hydrique, là où le remplissage est à sa vitesse maximale (entre les stades grains laiteux et grains pâteux). La perte de PMG est estimée, par rapport à la cinétique de remplissage, à -5 g, soit environ -10/12 q/ha (Graphique 12). Les variétés tardives et les semis tardifs sont de nouveau davantage affectés par cet épisode caniculaire.


Graphique 12 : Cinétique de remplissage du blé – Essais ARVALIS – VIVESCIA

Au final, dans les essais, les PMG vont de 30 à 50 g, les rendements sont compris entre 60 q/ha pour les sols les plus superficiels (G2-G3) à plus de 100 q/ha pour les sols profonds (Graphique 13), pour une moyenne de 80-85 q/ha (proche de la moyenne quinquennale). Le poids spécifique est correct mais perd quelques points selon l’arrivée de l’épisode pluvieux en pleine moisson. Le point positif de cette récolte blé est le taux de protéines élevé (de 12% à 15%), en lien avec les bonnes conditions de valorisation des derniers apports d’azote et les températures élevées en fin de cycle qui favorisent davantage le métabolisme azoté (optimum thermique : 25-30°C) que le métabolisme carboné (optimum  thermique 14°C).

Graphique 13 : Rendement blé q/ha – Essais Arvalis – Vivescia

Alexis Decarrier, Mélanie Franche, Philippe Hauprich, Bastien Remurier (Arvalis – Institut du végétal)

 

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