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Attentats de masse, n’oublions pas l’individu ni les valeurs paysannes

La Nation française est endeuillée, sous le choc. Mais n’est-ce pas à l’heure où des terroristes s’attaquent à nos valeurs fondamentales qu’il faut le plus prendre garde à les conserver voire les restaurer ?

WikiAgri s’adresse évidemment à tous ceux qui veulent bien nous lire, mais en particulier aux agriculteurs ou à ceux qui travaillent avec les agriculteurs. A priori, nous n’avons aucun lien avec les événements récents. Pourtant, ces événements impactent notre quotidien à nous tous.

D’abord, en raison de valeurs humaines. On ne peut pas rester indifférents à une telle tragédie. Sur Twitter, sur Facebook, les messages de solidarité, de compassion, sont venus de toute la population française (et même internationale), y compris rurale. Il est normal, heureux, qu’aucune indifférence ne nous habite, au contraire.

Ensuite, parce que la France fonde en grande partie ses valeurs sur les valeurs rurales, et en particulier paysannes. La solidarité, l’entraide, les fondamentaux, quelque part, viennent de la terre et de sa culture. En période de crise, le réflexe (heureux) de retour à ces références essentielles constitue une forme de recours, et presque de l’unique manière de faire face à l’autre sentiment dominant, fait de rancoeur, de haine, d’envie de vengeance. Vous tous, paysannes et paysans, agricultrices et agriculteurs, avez quelque chose à apporter en cette période difficile, une forme de sagesse, faite de votre expérience, de votre fatalisme face aux impondérables (la météo qui emporte une récolte, une maladie qui prend vos bêtes…), de votre propre souffrance, et de votre façon de rebondir, de repartir…

« Il n’y a ni richesse ni force que d’hommes »

Le chiffre astronomique sur le nombre de victimes des attentats de vendredi soir à Paris (un bilan toujours en évolution au moment où cet éditorial est écrit), attire toutes les attentions, et c’est normal. Le fait qu’il y ait des dizaines de morts, sans noms ni visages (quoique des appels à témoin personnalisés circulent sur les réseaux sociaux avec les photos de personnes disparues) pour l’instant, tend à occulter l’individu, et toute sa richesse. Un auteur du XVIe siècle, Jean Bodin, clamait : « Il n’y a ni richesse ni force que d’hommes« . Vous le savez, c’est la direction que nous avons choisie sur WikiAgri. Nous donnons la parole à l’un, à l’autre, nous n’occultons pas les difficultés, nous allons parfois jusqu’à prendre fait et cause pour des causes individuelles…

Le grand danger dans une période trouble comme celle que nous vivons est d’oublier nos propres valeurs, celles du respect de l’individu, du débat démocratique et républicain, au nom de l’union sacrée. Ce serait oublier que, si cette union sacrée parait évidente aujourd’hui, c’est aussi en partant de la valeur individuelle de chacun et de sa capacité à faire la part des choses. Ce que je veux dire par là : ces jours prochains, on ne va parler que des attentats, en oubliant tout le reste, comme si notre démocratie n’avait aucun autre problème à régler. Que les attentats et la suite à leur donner soient le sujet dominant certes. Unique, non. Il y a un temps pour le recueillement, pour la stupeur, pour la solidarité. Mais s’arrêter de vivre, de réfléchir, penser que tout continue « normalement » parce qu’on ne s’en occupe plus, c’est donner raison aux terroristes.

N’éludons pas trop longtemps les autres débats

Ces attentats doivent nous interroger, par exemple, sur la ruralité. Avoir une population harmonieusement répartie sur le territoire, avec un but, des repères, des objectifs de vie, c’est déjà participer à ce qu’il y ait moins de personnes qui se sentent rejetées de notre civilisation au point de vouloir lui nuire. Notre société est en perpétuel développement, c’est normal, puisque la population augmente, sur notre territoire, et peut-être plus encore dans le monde. Pour autant, ce développement doit aujourd’hui plus que jamais être considéré avec l’ensemble de ses individus, et surtout pas décidé par quelques-uns seulement, parce que l’on devrait éviter tout rassemblement par crainte des attentats. L’état d’urgence, c’est un acte de défense nationale face au terrorisme, oui à de actions policières ou militaires si elles doivent s’imposer. L’Etat surpuissant, supprimant les prérogatives de tous les échelons qui font la richesse de notre république, ce n’est plus du tout la même chose, un piège à éviter. Gérer la république comme des affaires courantes est acceptable sur un temps très court, par exemple ce week-end – voire le début de semaine puisque le Parlement est convoqué en congrès exceptionnel à Versailles lundi, et qu’un deuil national de trois jours a été décrété – car on comprend la difficulté de mener de front plusieurs sujets importants. Mais au-delà, on toucherait aux fondements même de notre démocratie.

Même chose pour la médiatisation. Le sujet unique traité sous tous les angles, c’est normal étant données les circonstances, majeures, avec notre Etat souverain directement attaqué. Avec cet article, WikiAgri y participe, et j’ai d’ailleurs déprogrammé d’autres sujets « week-end », un peu légers, un peu trop « détente »…

Pour autant, la vie démocratique, l’échange d’opinions sur notre avenir ne doit pas s’arrêter trop longtemps.

Quels sont les rendez-vous de l’agenda proche qui concernent l’agriculture ? Le plus médiatique est sans conteste Cop21. Ce rendez-vous mondial de l’environnement impactera peu ou prou les pratiques agricoles, dans un sens ou dans l’autre, par ses décisions officielles et aussi, et peut-être surtout, par le courant de pensée dominant qui l’animera. Or, Cop21 doit rassembler de nombreux chefs d’Etat à Paris. A l’heure où cet article est rédigé, impossible de dire si ce rendez-vous sera maintenu en l’état, ou différé, ou déplacé, ou… ? Mais même s’il est reporté, la question de l’avenir de notre planète et de son environnement reste cruciale, puisqu’elle concerne, en définitive, beaucoup plus de monde que le nombre de familles directement victimes des attentats.

Le débat demeure également très ouvert sur l’avenir de la profession agricole. La crise ayant connu son paroxysme l’été dernier a plutôt été suspendue par les mesures gouvernementales que réellement endiguée, il va bien falloir apporter les vraies réponses.

Ce n’est pas parce que le présent est atroce qu’il faut se priver d’avenir

Ce qui n’empêche pas, au temps présent, le recueillement : au nom de toute l’équipe de WikiAgri, j’adresse mes condoléances les plus sincères et les plus attristées à chaque famille endeuillée.

 

 

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