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A l’est de l’Europe, la Pac pousse à l’agrandissement sans limite

En Europe centrale, la Pac a financé la modernisation des grandes exploitations. Elle a ainsi exclu les petits paysans du marché foncier et de toute perspective de développement.

Des aides Pac de 150 € à 190 € par hectare, ce n’est pas le Pérou ! Mais multipliées par mille, deux mille ou dix mille hectares, elles sont une manne ! C’est pourquoi elles sont convoitées par les grands propriétaires et les gérants des anciens kolkhozes et sovkhozes convertis en fermes agro-industrielles depuis l’entrée des pays d’Europe centrale dans l’Union européenne.

Avant 2015, ces aides étaient même versées sans limite de surface, garantissant aux chefs d’exploitations bénéficiaires des rentrées de fonds pour payer de nouveaux équipements.

En conséquence, les dirigeants de ces méga-fermes sont en grande partie affranchis du milieu bancaire pour financer la modernisation de leur outil de production. Et depuis la crise financière de 2008, les terres agricoles d’Europe centrale sont des actifs particulièrement recherchés par les investisseurs. Leur valeur n’a cessé de croître alors que les marchés boursiers restaient déprimés.

Le Courrier des Balkans dresse un bilan foncier de la Pac : « Ces vingt dernières années, la majorité des terres arables d’Europe de l’Est est passée sous le contrôle des spéculateurs et de grands investisseurs. Loin de combattre le phénomène, les subventions accordées par l’Union européenne encouragent les concentrations. »

En Bulgarie, « deux millions d’hectares de terres, soit près de la moitié de la surface cultivable du pays, sont détenus par quelques sociétés », explique un commercial du secteur agricole, qui préfère rester anonyme, au Courriers des Balkans. « Et grâce au système européen, le seul fait de posséder ces terres permet à ces sociétés de gagner des millions », souligne Vladimir Urucev, représentant bulgare de la Commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen.

Celle-ci a du reste reconnu que « la concentration de terres arables dans les mains de quelques investisseurs était un grave problème pour l’Europe » et qu’à l’est, « elle ne cesse d’augmenter ».

« 3 % des sociétés agricoles contrôlent près de la moitié des terres arables, une tendance qu’il faudrait inverser », rapporte encore Vladimir Urucev. En Roumanie, 65 000 hectares sont détenus par un très petit nombre de sociétés.  Selon le Président roumain Klaus Iohannis, interrogé par le Courrier des Balkans, 30 % des terres arables du pays sont aux mains de compagnies étrangères.

La biodiversité et les petits paysans sont les victimes collatérales de la concentration des terres.

Les règles agro-environnementales sont peu contraignantes et surtout pas toujours appliquées voire contournées.

Quant aux petits paysans, ils sont « exclus du marché car nous ne pouvons pas tenir tête aux grands exploitants, et il ne reste de toute façon que très peu de terres disponibles », explique Stefan Petrov, un jeune agriculteur de la région de Razgrad, au nord de la Bulgarie, interrogé par le Courrier des Blaken.

Le prix des terres est devenu inabordable et l’accès au crédit est réduit. Beaucoup de petits paysans et propriétaires sont sous le pression des grands groupes financiers qui les poussent à céder leurs terres et à arrêter leurs activités.

Les aides Pac contribuent à la flambée des prix rendent les terres inaccessibles pour les petits paysans. En Pologne, la valeur d’un hectare de terre est en moyenne supérieure à celle d’un hectare en France, selon la FnSafer.

Au printemps dernier, « la Commission de l’agriculture du Parlement européen a fait des recommandations concrètes en demandant aux États membres de permettre aux petits et moyens exploitants d’acquérir des terrains à des prix raisonnables et de promouvoir l’agriculture durable » explique le Courrier des Balkans. Cette position est-elle pour autant partagée par la Commission européenne ?

Cette dernière a poursuivi à plusieurs reprises des Etats qui tentent de protéger leur marché foncier et de nuire à la concurrence. En seraient victimes, selon le Courrier des Balkan, la Bulgarie, la Slovaquie, la Hongrie, la Lettonie et la Lituanie entre autres. Ces pays ont été accusés de  ont essayé de se protéger des grands investisseurs étrangers à l’aide d’une politique protectionniste.

Kolkhozes et sovkhozes convertis
en fermes agro-industrielles

La plupart de ces grandes fermes se sont constituées sur les vestiges des anciens kolkhozes et sovkhozes fondés durant la période soviétique. Des terres ont été redistribuées et restituées aux anciens propriétaires et à leurs descendants. Mais ces derniers n’ont souvent plus de lien avec le monde agricole où n’ont pas eu les moyens de les exploiter. Le processus a été souvent compliqué à mettre en place.

L’agriculture était à la fin des années 1990 un secteur peu solvable. Et de nombreux propriétaires de terres ont été soumis à des pressions pour céder leurs terres.


Notre illustration ci-dessous est issue de Fotolia (lien direct : https://fr.fotolia.com/id/144875318) et montre des champs agricoles en Pologne.

 

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